" Voulez-vous vous rendre compte de l'influence de la religion de Jésus-Christ sur la civilisation ? Supposez un moment qu'elle n'ait pas existé. Effacez, par la pensée, ce qui subsiste d'elle dans les trois domaines du beau, du vrai et du bien. Commencez par les arts plastiques. Entrez dans tous les musées et décrochez des murailles l'image du Christ ; emportez les toiles ou les statues qui représentent des saints, des martyrs, des apôtres. Après la peinture et la sculpture, passez à l'architecture, à la musique. Rayez du nombre des compositeurs Haendel, Palestrina, Bach et tant d'autres. Expurgez l'oeuvre de Beethoven, de Mozart, de Pergolèse, de Rossini, de tout ce qui a été inspiré par la religion chrétienne.
Entrez ensuite dans la sphère de la pensée et de la poésie : supprimez Bossuet, Pascal, Fénelon; ôtez Polyeucte à Corneille, Athalie à Racine, Zaïre et Alzire à Voltaire ; poursuivez le nom du Christ dans les vers de Lamartine, de Victor Hugo, voire même de Musset. Ce n'est pas tout, faites un pas de plus. Détruisez les hôpitaux, car le premier hôpital fondé dans le monde a été fondé par une femme chrétienne. Supprimez les saint Vincent de Paul. Effacez enfin, effacez toutes les traces qu'a laissées sur la terre le sang sorti des blessures de celui que j'entends quelquefois appeler: le pendu. Puis, cette besogne accomplie, retournez-vous. Embrassez d'un long coup d'oeil les dix-huit cents ans échelonnés derrière vous, et regardez sans épouvante, si vous le pouvez, le vide que fait, à travers les siècles, cette seule croix de moins dans le monde."
Entrez ensuite dans la sphère de la pensée et de la poésie : supprimez Bossuet, Pascal, Fénelon; ôtez Polyeucte à Corneille, Athalie à Racine, Zaïre et Alzire à Voltaire ; poursuivez le nom du Christ dans les vers de Lamartine, de Victor Hugo, voire même de Musset. Ce n'est pas tout, faites un pas de plus. Détruisez les hôpitaux, car le premier hôpital fondé dans le monde a été fondé par une femme chrétienne. Supprimez les saint Vincent de Paul. Effacez enfin, effacez toutes les traces qu'a laissées sur la terre le sang sorti des blessures de celui que j'entends quelquefois appeler: le pendu. Puis, cette besogne accomplie, retournez-vous. Embrassez d'un long coup d'oeil les dix-huit cents ans échelonnés derrière vous, et regardez sans épouvante, si vous le pouvez, le vide que fait, à travers les siècles, cette seule croix de moins dans le monde."
Ernest LEGOUVÉ (1807-1903), de l'Académie française.
Dramaturge, romancier et poète français
Dramaturge, romancier et poète français